Marie-Liesse Couëtte prône l'apprentissage dans la difficulté

Elle a la tête sur les épaules mais elle est aussi rêveuse et utopiste, Marie-Liesse Couette vous raconte son parcours. Elle enchaîne les expériences, en France et à l'international, cherchant à se construire et à définir sa raison d'être. Son interview force l'admiration.

Bonjour Marie-Liesse. Quels souvenirs t’évoque Saint-Stan’ ? Peux-tu nous raconter ta scolarité au sein de l’établissement ? 

 Saint-Stanislas m’évoque : 

• Les poules dans la cour pour la fête des Terminales, 

• Le carré fumeur près de la salle d’étude (oui oui, cela a bien changé!),

• Les cours de latin délocalisés dans la cour pendant la canicule, 

• Le blocus précaire contre le CPE à l’entrée de l’école en 2008 (dont je ne faisais pas partie…), 

• Les goûters de Noël gérés par le BDE, les fêtes de l’école,

• Le foyer, lieu mémorable où s’abriter en cas de mauvais temps pour jouer au babyfoot et au billard, 

• Le rab de frites à la cantine le vendredi, 

• Le bol de riz pour le carême, 

• Les copains scouts,

• L’infirmerie, refuge en cas de cours d’allemand un peu trop long… 

Mais pas que ! St Stan, c’est aussi : 

• Des professeurs à l’écoute, 

• Un enseignement de qualité, 

• De beaux bâtiments, 

• De belles infrastructures sportives, 

• Et petit détail, un lieu où étudiait mon oncle dans les années 1970. 

Quand as-tu obtenu ton diplôme de baccalauréat ? Comment as-tu su vers quelle domaine t’orienter après le bac ? 

J’ai obtenu mon bac en 2011 avec comme ambition d’intégrer une école de commerce en faisant une prépa. Un classique… Après avoir voulu être architecte, pilote d’avion de chasse, travailler dans la communication, autant dire que j’ai fait ce choix par défaut. J’ai donc passé un an en classe préparatoire ECS à l’Externat des Enfants Nantais. Mais je ne m’y retrouvais pas. J’avais besoin de concret et ce n’est pas ce que cette voie m’apportait. 

Après un an, j’ai migré vers l’IUT Gestion des Entreprises et des Administrations de l’Université de Nantes où je me suis éclatée. Et c’est là que tout a commencé… 

Où as-tu choisi de te former au management ? Qu’as-tu appris dans ces universités parisiennes ?

Pendant deux ans j’ai été formée à la gestion d’entreprise à l’IUT GEA de Nantes, une alternative confortable à la prépa très rigoureuse et à la fac trop peu contraignante pour moi. J’ai ensuite intégré la licence de Gestion de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, puis le Magistère de Sciences de Gestion de l’Université Paris-Dauphine. J’ai découvert pendant ces 5 années les rouages de la gestion (marketing, commercial, finance, RH, gestion de projet, droit, etc,) avec de nombreux cas pratiques. J’étais dans le vif du sujet et j’adorais ça. Je n’ai jamais souhaité me spécialiser et les études de gestion m’ont permis de développer une vraie polyvalence. En plus, je me suis fait de très bons amis. 

Quels stages ou alternances t’ont permis de mieux saisir les réalités du management ?

Les stages et mon année d’alternance en dernière année ont été cruciaux dans mon développement. D’ailleurs, j’aurais adoré faire toutes mes études en alternance, je trouve cela extraordinaire : on passe tout de suite à la pratique tout en continuant à monter en compétences à l’école et puis, éléments non négligeables, on engrange des années d’expérience et ça plaît beaucoup aux recruteurs… 

Chaque expérience à son niveau m’a permis d’identifier des éléments essentiels : 

• ce que j’exige dans mon travail 

• ce que j’aimerais retrouver 

• ce que je peux supporter 

• ce que je refuse. 

Le passage des études au monde du travail peut être un peu brutal et les stages et l’alternance sont un excellent moyen de l’adoucir et de prendre confiance tout en se créant un réseau. 

Après ton magistère en sciences de gestion, tu as été embauchée par Fraternité en Irak. Quelles étaient tes missions et comment as-tu pu évoluer dans un contexte géopolitique sensible ?

Je me suis engagée comme Volontaire de Solidarité Internationale (VSI, l’équivalent du VIE mais avec une ONG et non rémunéré) pendant un an avec Fraternité en Irak. J’étais Program Manager, c’est-à-dire que j’étais responsable d’un projet de relance économique. Il a permis le financement et la reprise de l'activité de 71 artisans et agriculteurs, toutes religions confondues, rentrés après Daech via un système de mezzo-crédit suivie de la création de 277 emplois. Mes principales missions étaient les suivantes : 

• Etre sur le terrain au contact d’artisans et d‘agriculteurs pour comprendre leur histoire, leur expertise, leurs besoins et en sélectionner certains pour les aider à financer la relance de leur business 

• Gérer un budget de 1 000 000 $ financé par le Ministère des Affaires Etrangères et l'ONU

• Manager une équipe de deux Chargés de projets et deux Avocats irakiens.

  

Comment évoluer dans un pays en guerre ?

Vaste question… Pour faire court, je dirais que l’on doit changer de référentiel : observer et s’adapter à son environnement. On ne va pas sauver le monde et il faut rester très humble. Et une des premières règles que l’on apprend dans une ONG est le “Do no harm” c’est-à-dire Agir sans nuire. 

Peux-tu nous raconter tes expériences à l’étranger ? Que représente pour toi la découverte culturelle ?

L’expérience à l’étranger a commencé assez jeune pour moi. A l’âge de 15 ans, j’ai passé un an aux Etats-Unis dans une famille et école américaines. Vrai challenge car je ne parlais pas un mot d’anglais et ne connaissais personne sur place. Mais ce fut une année extraordinaire et elle m’a donné envie de découvrir d’autres cultures. 

J’ai continué l’expérience avec un stage de marketing de 5 mois en Irlande chez Pernod-Ricard entre mon M1 et mon M2. Les Irlandais sont très sympas et leur pays bucolique. Moi qui parlais couramment anglais, j’ai eu besoin de quelques semaines pour comprendre les différents accents… 

Ensuite, m’étant fait plusieurs amis d’origine arabe à la Sorbonne, j’ai eu envie d’aller découvrir le Proche-Orient. Je suis allée passer 2 mois dans une ONG dans les bidonvilles du Caire. Mon coup de foudre pour les pays arabes a continué et j’ai passé 1 an en Irak après mes études comme évoqué précédemment. 

Puis j’ai voulu partir vivre en Argentine, cette fois avec un permis vacances-travail début 2020 pour 3 mois, 3 ans ou 30 ans (je n’avais pas encore choisi) et le COVID en a voulu autrement, je suis partie le 6 mars 2020, j’ai dû rentrer 3 semaines après contre mon gré. 

Depuis, j’ai pris la décision d’arrêter de prendre l’avion pour, à mon échelle, essayer de faire en sorte que la planète ne se débarrasse pas de nous. Mon terrain de jeu se limite maintenant aux pays accessibles en train ou en bâteau et pour des courtes périodes de vacances car j’ai un trouvé un job qui me passionne en France. 

En 2019, tu as été Testing Area Manager chez Agricool. Peux-tu nous présenter l'entreprise et son projet ? 

A mon retour d’Irak, j’ai eu envie de rester dans le milieu de l’artisanat ou de l’agriculture que je venais de côtoyer, tout en restant à Paris pour être entourée de mes proches. Pour cela, il existe notamment l’agriculture urbaine.

La startup Agricool a été fondée en 2015 par deux copains ingénieurs-agronomes qui ont eu envie de contribuer à la construction d’un nouveau système alimentaire, plus sain, plus responsable. La volonté de l’entreprise était donc de produire des fruits et des légumes sains, sans pesticides et cultivés de manière responsable. Leur solution : produire localement, au cœur des villes, dans des conteneurs recyclés. Ils ont réussi à lever plus de 25 millions d’euros pour investir en Recherche & Développement et créer un modèle économique qui tient la route. La start-up qui cultive des fraises, salades et herbes aromatiques dans des conteneurs à Paris a été récemment rachetée par une entreprise lyonnaise. Advienne que pourra… 

Ensuite, tu as été recrutée par le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et tu as été employée au Centre de Crise et de Soutien (CDCS). Quelles sont les qualités et les compétences à avoir pour travailler au sein d’une institution étatique ?

Après mon faux départ en Argentine à cause du COVID, il a fallu que je retourne et que j’envisage à nouveau la possibilité de travailler en France. Solution toute trouvée pour faire le point : travailler au MEAE dans le service qui a subventionné en partie le programme dont j’avais la charge, le CDCS. 

Les qualités et compétences pour travailler au sein d’une institution étatique ? Je dirais surtout du savoir-être. Tout poste demande des compétences particulières liées aux missions que ce soit dans le public ou dans le privé. En revanche, l’intégration d’une institution étatique telle que le MEAE et particulièrement le CDCS demande avant tout un minimum de diplomatie quel que soit le poste occupé. Il faut savoir être curieux, proactif et réactif surtout dans ce type de service qui gère l’urgence humanitaire. La discrétion est de mise, la rigueur également car il s’agit ici d’argent public. De manière générale, je suggère observation et adaptation. Cela diminue les chances de se tromper. 

Aujourd’hui, tu es chargée de développement économique à la Direction des Affaires Économiques de la CMA Île-de-France. Comment as-tu pu accéder à ce poste ? Quelles sont tes missions au quotidien ?

J’ai découvert l’existence de mon métier actuel complètement par hasard au détour d’une conversation avec un collègue du Ministère. Il y a deux ans, je ne connaissais même pas la Chambre de Métiers et de l’Artisanat (CMA). L’année au MEAE m’a permis de faire le point sur mon job idéal (ce que j’exige dans mon travail, ce que j’aimerais retrouver, etc.- cf question sur les stages). Et aujourd’hui, voici mes missions :  

MISSION PRINCIPALE : Accompagnement de futurs chefs d'entreprise dans le développement de leur activité :

- Conseil en création d'entreprise (6-12 mois ante-création) => bâtir son projet : études de marché, prévisionnels financiers, formalisation de business plans

- Conseil en développement commercial (0-3 ans post-création) => piloter son entreprise : actions commerciales, développer son réseau, gestion quotidienne

MISSIONS ANNEXES :

- Gestion de projet : design de l'offre de Services "Stratégie de développement commerciale", à destination des TPE de plus de 3 ans

- Gestion de projet : design d'événements de networking trimestriels pour jeunes entreprises

- Animation de formations commerciales à destination de futurs et actuels chefs d'entreprise

- Création de contenu et présentation de webinaires sur le développement commercial

- Amélioration des outils de communication destinés aux créateurs d'entreprise

- Accompagnement de chefs d'entreprise dans leur candidature aux grands prix de l'Artisanat

Cela fait un an que je fais ce métier et je me vois le faire encore de nombreuses années à Paris ou ailleurs. Eh oui, on retrouve des CMA dans tous les départements. 

Quels sont les éléments et événements de ton parcours dont tu as le plus appris ? Avec du recul, réaliserais-tu certaines expériences différemment aujourd’hui ?

Les événements de mon parcours dont j’ai le plus appris sont ceux que j’ai considérés à l’époque comme des échecs : 

• Quitter sa classe prépa au bout d’un an, 

• Quitter Agricool au bout d’un an après un léger burn-out, 

• Devoir quitter l’Argentine au bout de 3 semaines à cause du COVID.

Et finalement, ces événements font partie de ceux dont j’ai le plus appris et qui m’ont fait grandir malgré leur difficulté. 

Avec du recul, il est certain que certaines décisions prises n’étaient pas les meilleures pour moi mais à l’époque, je les pensais éclairées (ex: enchaîner avec un nouveau job dès la rentrée d’Irak dans un poste taillé trop grand pour moi). 

Il faut faire avec, ces expériences font qui je suis aujourd’hui. Elles m’ont permis de mieux me connaître : zone de confort, zone de peur, zone d’apprentissage, zone de croissance. Aujourd’hui, je suis bien dans mes baskets et suis heureuse de me lever le matin pour aller travailler. Je le souhaite à tout le monde. 

Comment envisages-tu l’avenir ?

Comme une feuille blanche accompagnée d’un pinceau et d’une palette de peinture de couleurs vives. Une multitude de possibilités s’offre à moi. Je souhaite continuer mon chemin à la CMA pour le moment car j’y trouve mon compte : du sens, de la stimulation intellectuelle, du relationnel, de l’autonomie, de chouettes collègues et chefs, et un salaire. Il est possible que vous m’y retrouviez dans dix ans. Il est aussi possible que vous me retrouviez en train de tenir une maison d’hôtes en Anjou ou au sein d’une association qui agit pour l’emploi et l’entrepreneuriat des femmes, qui sait ?!

Le mot de la fin :

Merci de m’avoir donné l’opportunité de faire ce retour en arrière. Cela ne me rajeunit pas… Merci aux écoles comme St-Stan' qui nous aident à grandir et à avoir la tête sur les épaules.

Du milieu aérien, en passant par les fraises, l’alcool pour finir avec l’artisanat, on peut certes avoir un chemin un peu sinueux qui à première vue fait peur mais finir par trouver sa place et être heureux. Un peu de confiance en la vie, d’ouverture d’esprit, de soif de grandir et ça devrait aller. Ayons confiance et osons ! 

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