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Hissez les voiles avec Jeanne !
L'année de césure ou la "gap year" est l'occasion pour de nombreux étudiants de "se réaliser" en mettant en pause leur cursus d'études supérieures. Faire du bénévolat, voyager ou enchaîner des stages, cela permet de gagner en maturité et en compétences et ainsi, d'aborder la poursuite d'études et le monde professionnel plus sereinement.
Bonjour Jeanne. Comment se sont passées tes années d'études ?
J’ai effectué ma première et ma terminale à Saint-Stan'. J’ai obtenu un Bac ES avec option théâtre en 2016. Mes meilleurs souvenirs aujourd’hui sont la fête des terminales et les rencontres théâtrales. Après ça, j'ai fait une licence de communication à Lille puis j’ai changé de voie et je me suis tournée vers l’humain et la planète pour mon Master.
Peux-tu nous en dire plus sur ton Master?
Je suis actuellement en Master 2 gestion de projet dans le développement durable et l'humanitaire. C’est une formation qui m'intéresse énormément pour sa dimension responsable.
Durant le M1, j’ai concilié mes cours avec un service civique que je réalisais le soir. Ce fut assez intense mais cela m’a permis de développer des compétences qui me serviront dans tous mes projets futurs.
Après cette année, chamboulée du fait de l’arrivée du Covid, j’ai décidé de prendre un an de césure afin de réaliser une Transatlantique.
Quel lien entretiens-tu avec la voile?
En fait, j’ai une famille de marins et j’ai grandi dans cet univers. Je naviguais souvent avec mes proches en Bretagne mais je n’avais jamais fait de grande traversée. Avant de partir avec “Hisse tes voiles”, j’ai effectué une transmanche avec l’école des glénans pour me préparer.
Comment a émergé l’idée de partir en voilier pour faire un tour de l'Atlantique?
J’ai eu le déclic lorsque j’ai regardé le film “En solitaire” de François Cluzet et j’ai été touchée par l’humanité des scènes, notamment lorsque le migrant se retrouve sur son bateau. Cela m’a donné l’idée d’associer ma passion pour la voile avec mon attrait pour l’humain. J’en ai parlé à mon amie Domitille qui exerce la planche en compétition. Elle s’est notamment présentée au championnat de France de voile légère. Elle souhaitait tenter l’aventure en voile habitable. Entre le moment où on a eu l'idée et le moment où on est parties, deux ans se sont écoulés.
Lorsque nous avons commencé à en parler à notre entourage, on nous a dit : “c'est super les filles de partir en bateau mais vous devriez prendre un garçon avec vous”. On sait pertinemment que si des garçons voulaient partir, on ne leur aurait jamais dit de se faire accompagner par des filles, surtout que le monde de la voile est très masculin et macho. Cette réflexion nous a réellement marqué et nous avons souhaité changer et impacter cet état d’esprit en donnant un sens à notre projet : en défendant la cause des femmes.
D’un point de vue organisationnel, comment avez-vous préparé l’expédition ?
Nous avons commencé par déclarer notre association “Hisse tes rêves” début 2019, avant l’arrivée du Covid. Ensuite, nous avons entamé la recherche de sponsors sauf que vu notre âge, le peu de moyens financiers… on ne nous faisait pas confiance. Les centaines de mails envoyés se sont soldés par des échecs. Afin de débloquer la situation et de gagner en crédibilité, il était nécessaire de chercher un bateau.
Nous adorions la navigation mais nous n’étions pas expertes en bateaux ; savoir quel modèle nous fallait s’est révélé être plus dur que prévu, surtout que la malhonnêteté de certains a failli nous coûter cher. Finalement, nous avons été contactées un jour pour aller voir un bateau disponible sur un chantier. Nous sommes parties en Février 2020 et nous avons craqué. Nous avons toutes les deux souscrit à un prêt pour pouvoir l’acheter. Malgré l’absence d'électricité, de plomberie et d’aménagements, la coque était saine. Nous nous sommes attelées au bricolage et il est devenu habitable au bout de six mois.
Pendant le premier confinement et jusqu’en septembre 2020, nous étions sur le chantier, tous les jours, même le week-end, de 8h à 19h00. Entre-temps, nous cherchions des financements, des sponsors et nous avons lancé une campagne de crowdfunding. Cela représentait déjà le combat féminin car le bricolage est souvent une affaire d’hommes. Nous ne nous y connaissions pas du tout, cependant nous avons décidé d’apprendre. Cela nous a aussi permis de connaître le bateau par cœur, ce qui est très rassurant car si quelque chose arrive lors de la traversée, nous savons exactement ce qu’il faut réparer. Ça valait le coup de se donner du mal.
Avant de partir, nous avons invité une équipière à nous rejoindre.
Quel a été votre parcours ?
Pour faciliter la navigation, nous avons prêté attention au vent lors de la préparation. Pour l’aller, nous avons fait en sorte qu’il soit derrière nous pour nous pousser, c’est ce qu’on appelle “les Alizés''.
Nous sommes parties le 11 septembre dernier depuis la Trinité sur Mer, dans le Morbihan. Ca fait quasiment pile un an. Destination l’Espagne, le Portugal puis Madère. Arrivées aux Canaries, nous avons appris ne plus pouvoir aller au Sénégal ni à Haïti à cause de la pandémie et de la situation politique. Nous avons rebondi et trouvé une association que nous avons rejoint au Cap-Vert : l'association des femmes de Calheta de Sao Miguel. Ensuite, après seize jours de traversée, nous sommes arrivées en Martinique. L’étape suivante a été la Guadeloupe, depuis laquelle nous avons entamé notre transat retour. Nous avons atteint les Açores en 28 jours, ce qui est très long. Un mois en mer sans voir la terre.
Après notre pause bien méritée aux Açores, nous sommes rentrées en France en 11 jours. Nous sommes arrivées en Bretagne le 16 juillet dernier.
Comment avez-vous vécu le mois entier en mer ?
Au début, tout se passait bien mais dès que les aléas climatiques apparaissaient, c’était la déprime. Souvent, la météo prévoyait des zones de vents ce qui nous permet de prendre de l’avance mais, arrivées sur cette zone, nul vent. De plus, nous n’avions plus d’essence, il était impossible d’activer le moteur. Nous étions seules à dériver au milieu de l’océan.
C’était moralement dur : on se disait qu’on allait jamais arriver. Cependant, dans des moments comme ceux-là, mère nature nous soutenait : des baleines et des dauphins apparaissaient, on observait des couchers de soleil magnifiques....
Que faisais-tu à bord du bateau ?
En vérité, pas grand chose. Nous nous organisions en quarts de journées : nous enchaînions deux heures de surveillance et quatre heures de sommeil. Il fallait vérifier l’état du bateau, s’informer sur la météo, communiquer grâce au téléphone satellite qui nous donnait la route à prendre, le cap à suivre… en fonction des aléas.
Pour nous occuper, nous lisions, nous regardions la mer et le ciel, nous réfléchissions à notre vie. Aussi, nous mangions beaucoup ! du poisson frais généralement car le bateau n’était pas équipé de réfrigérateur et notre approvisionnement en fruits et légumes durait une semaine. Pour accompagner le poisson pêché, nous consommions des produits secs : riz, pâtes, sauces, conserves…
Quelles étaient vos activités avec les associations?
Au Cap-Vert, nous avons donné des cours d'anglais et de français à des femmes en réinsertion professionnelle et souvent cheffes de famille. Nous leur avons appris le vocabulaire de la restauration qu'elles avaient plaisir à employer le soir lorsqu’elles nous présentaient les plats préparés avec le chef.
En Martinique, nous avons collaboré avec l’ONG les Soroptimist, un club service 100% féminin puisque les femmes sont au service des femmes. C’est une grande famille internationale : le club de Vannes nous a mises en relation avec celui de Martinique. Ce dernier nous a présenté auprès du club de Guadeloupe. Avec les Soroptimist, nous présentions des conférences sur l'entrepreneuriat féminin, la précarité, la gestion de projet… Nous sensibilisons les femmes de tous âges à leurs droits en nous présentant dans des écoles, des lycées, des collèges.
Nous avons aussi été actives pour une association traitant des violences physiques et morales subies par les femmes. Le foyer était secret afin que les maris ne le sachent pas.
Là, nous avons accompagné et écouté les femmes : jeux avec leurs enfants, discussions, ateliers crêpes, peinture… pour leur changer les idées et les faire ressortir de leur routine peu joyeuse.
Que fais-tu depuis ton retour en France ?
Le bateau a été vendu à des jeunes souhaitant partir en mer et nous avons pu rembourser nos prêts. Depuis la France, nous sommes en lien avec les associations. Nous allons notamment aider l’antenne française de l’association Cap-Verdienne à se développer et à acquérir de la visibilité à travers une campagne de communication.
Par ailleurs, nous avons pour projet de réaliser un documentaire à partir des photos et vidéos prises.
Sinon, chacune reprend ses études après l'année de césure ; pour ma part le Master 2 “gestion de projet développement durable et humanitaire”. J'ai trouvé mon alternance dans une association qui s'appelle “agir pour la santé des femmes” et je suis chargée de développement et de communication. Je souhaite aussi reprendre le théâtre.
Le mot de la fin :
Si vous avez des idées de projets, foncez.
Il faut se dire que si on veut le faire, on peut, il suffit de se donner les moyens.
Il faut aussi être très prudent et ne pas laisser les peurs des autres nous affecter et nous empêcher de réaliser ce qui nous tient à cœur, on le regrettera.
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