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Elise Maillot : la justice de la bienveillance
Dans le monde professionnel, l'ambition ne rime pas forcément avec l'épanouissement. Pour Elise Maillot, la reconversion professionnelle a été salvatrice.
Quel a été ton meilleur souvenir de Saint-Stan' ?
Sans aucun doute, ma rencontre avec Camille P., la jeune fille qui est devenue ma meilleure amie par la suite. Nous avons traversé beaucoup d’épreuves ensemble et vécu des moments que je n’oublierai jamais. Je pense notamment aux cours de chinois : nous étions bonnes élèves mais parfois un peu dissipées et nous avons, encore aujourd’hui, quelques fous rires en repensant à ce que nous avons fait endurer à notre professeur de l’époque (qui était génial par ailleurs !).
Peux-tu nous présenter des éléments concernant ta scolarité ?
J'ai fait tout mon lycée à Saint-Stan' et j'ai passé mon Bac Littéraire en 2007. Je me souviens du fait que le choix de cette filière ne s’est pas fait sans réticence de mon père, qui craignait le manque de débouchés… Il avait néanmoins fini par me soutenir, à condition que j’obtienne une mention très bien !
Ma mention obtenue, j’ai intĂ©grĂ© la fac de droit d’Angers, qui me permettait de me spĂ©cialiser très rapidement en droit public. Le niveau y Ă©tait très bon et les enseignements n’avaient rien Ă envier aux facultĂ©s plus rĂ©putĂ©es. Rapidement, le droit europĂ©en et international a commencĂ© Ă m’intĂ©resser. J’ai donc optĂ© pour un Master 1 spĂ©cialisĂ© dans ces matières, au cours duquel je me suis prise de passion pour le droit de la concurrence, europĂ©en comme français.Â
J’ai donc naturellement poursuivi mon cursus en Master 2 droit de la concurrence à Assas, afin de devenir avocate dans cette matière (non sans avoir hésité, au préalable, à me lancer dans la recherche !).
Au cours de cette annĂ©e de Master 2, j'ai rĂ©alisĂ© un tout premier stage dans un cabinet d'avocats (Field Fisher Waterhouse). J’ai adorĂ© cette première expĂ©rience : les avocats avec lesquels j’ai eu la chance de travailler Ă©taient absolument fabuleux et nous avons depuis gardĂ© d’excellentes relations.Â
Quelle a été la suite ?
Après mon Master 2, j'ai dĂ©cidĂ© de passer les Ă©preuves du barreau et, en parallèle, d'intĂ©grer HEC pour une annĂ©e de Master spĂ©cialisĂ© en droit et management international. J’avais en effet conscience que ce type d’expĂ©rience serait valorisĂ© en cabinet d’avocats, en particulier en droit de la concurrence qui est une matière très Ă©conomique.Â
Cette année passée à HEC m'a permis de valider le “projet pédagogique individuel” obligatoire à l’école d’avocats. J’ai ensuite suivi les cours dispensés à l’école tout en étant en alternance au sein du département concurrence du cabinet Bredin Prat. J’ai enfin effectué mon stage final au sein du département concurrence du cabinet Linklaters.
Comment peux-tu décrire tes débuts de carrière?
Après avoir passĂ© le CAPA et prĂŞtĂ© serment, en 2014, j’ai eu la grande chance de rejoindre le dĂ©partement concurrence du cabinet de mes rĂŞves : Darrois Villey Maillot Brochier. J’y suis restĂ©e un peu plus de quatre ans : ce furent des annĂ©es extrĂŞmement enrichissantes, Ă tout point de vue.Â
J'ai néanmoins fait le choix de quitter la profession fin 2018 pour plusieurs raisons.
Il est vrai que je travaillais avec un super associé, sur de superbes dossiers, je gagnais bien ma vie… Cependant, la conciliation de ma vie professionnelle avec ma vie personnelle (sport, amis, activités bénévoles, etc.) était un point très délicat et je supportais de moins en moins les sacrifices consentis. Je pense ici, notamment, à l’annulation de mes vacances, de mes week-ends, aux nocturnes, etc. J’ai également, à cette période, été confrontée à des problèmes de santé qui m’ont aidée à prendre du recul. J’ai réalisé que mon quotidien professionnel manquait de sens et je n’étais plus prête à y consacrer autant de temps.
Étant profession libĂ©rale, je n’avais pas droit au chĂ´mage et il m’a fallu une bonne dose de courage pour prendre la dĂ©cision de quitter la profession !Â
As-tu pu trouver un travail dans lequel tu te sens Ă©panouie ?
Quelques mois après avoir quittĂ© le cabinet, j’ai rejoint pour six mois la Legaltech Predictice, en tant que Responsable des relations publiques. Une Legaltech en or ! J’y suis actuellement directrice des relations publiques et du marketing. Ă€ ce titre, je suis notamment en charge, avec l’aide d’une Ă©quipe fabuleuse, de l’organisation des Ă©vènements, des rĂ©seaux sociaux, des partenariats avec l’écosystème, des relations presse, etc.Â
Aujourd’hui, c'est incontestable, je suis beaucoup plus Ă©panouie dans mon travail qu’à l’époque. J’y ai naturellement perdu sur le plan financier, mais je n’ai jamais regrettĂ© ma dĂ©cision.Â
Dans le cadre de tes fonctions, quels projets te tenaient Ă cĹ“ur et ont pu voir le jour ?Â
J'avais Ă cĹ“ur de dĂ©velopper le podcast “Appelez-moi MaĂ®tre”, Ă©videmment avec l’accord des fondateurs. Dans le cadre de ce podcast, je pars rĂ©gulièrement Ă la rencontre d'avocats associĂ©s de leur cabinet (en choisissant des profils assez variĂ©s : taille et origine du cabinet, sexe, spĂ©cialitĂ©, etc.) et je les interviewe sur diffĂ©rents sujets, jamais juridiques, mais qui ont davantage trait Ă leur vision de la profession, de leur propre carrière, des problĂ©matiques relatives Ă la place des femmes dans l’avocature ou Ă la conciliation vie personnelle / vie professionnelle. Chaque Ă©pisode est, Ă dessein, assez court (moins d'une demi-heure). Le podcast est disponible sur toutes les plateformes d’écoute.Â
Pourquoi as-tu décidé de faire un tour du monde et comment cela s’est-il déroulé ?
Durant mes Ă©tudes, je n’avais pas eu l'occasion de voyager sur de longues pĂ©riodes. J’avais pour objectif de terminer mon cursus “sans perdre trop de temps” et commencer ainsi Ă gagner rapidement ma vie, dans la mesure oĂą je finançais seule mes Ă©tudes grâce Ă un emprunt bancaire… Lorsque j’ai quittĂ© le cabinet, cela faisait quelques mois que j'avais rencontrĂ© mon conjoint actuel. Lui, Ă l'inverse, avait Ă©normĂ©ment voyagĂ©, lors de ses Ă©tudes puis dans le cadre de ses premières expĂ©riences professionnelles. Il souhaitait rĂ©aliser un vrai tour du monde et m’a totalement sĂ©duite avec cette idĂ©e !Â
Après mon départ du cabinet, nous avons donc réfléchi à ce projet et avons fixé notre date de départ à septembre 2019. Entre temps, j'ai été recrutée par Predictice, qui a accepté de me reprendre à mon retour. Mon conjoint a quant à lui pu prendre un congé sabbatique puisqu’il travaillait depuis longtemps dans sa boîte. Nous sommes donc partis dans des conditions idéales.
Notre voyage avait pour concept “10 mois, 10 pays, 10 défis”. Parmi ces défis, il y avait notamment une méditation Vipassana de 10 jours en Birmanie : un réel challenge que je suis fière d’avoir relevé !
Nous n’avons finalement pu voyager que 7 mois compte tenu des contraintes liées à la Covid-19 mais ce fut amplement suffisant pour en profiter pleinement. Si nous avons manqué une bonne partie de l'Amérique du Sud, nous avons pu explorer une bonne partie de l'Asie, la Nouvelle-Zélande, l'île de Pâques, et plein d’autres endroits fabuleux.
Parle-nous de tes expériences de bénévolat :
C'est un pan de ma vie personnelle qui m'apporte Ă©normĂ©ment de bonheur.Â
Je n'ai pas commencé le bénévolat très jeune : j’ai grandi avec ma mère qui vivait dans des conditions assez précaires, de sorte que le bénévolat n’était pas au cœur de notre quotidien. Néanmoins, les années passant, j’avais probablement besoin de trouver un sens à mon temps libre et c’est ainsi que je me suis naturellement tournée vers ce monde.
Je suis depuis toujours très sensible Ă la question carcĂ©rale et ai ainsi rejoint plusieurs associations qui y sont liĂ©es. Si je devais te parler d'une association, c’est celle qui consiste Ă aller rendre visite Ă des dĂ©tenus dans un Ă©tablissement pĂ©nitentiaire. Je suis pour ma part liĂ©e Ă la maison d’arrĂŞt de Nanterre, Ă laquelle je me rends chaque semaine pour passer du temps avec certains dĂ©tenus isolĂ©s.Â
Je donne par ailleurs des cours de français aux migrants dans le cadre d’une association parisienne.
Que t’apportent ces engagements au quotidien ?
Au travers de ces différents engagements bénévoles, j’éprouve un sentiment d'utilité extrêmement fort. Il y a toujours cette question : le pur altruisme existe-t-il vraiment ? Ces activités ne m'apportent pas financièrement, par définition et elles me prennent beaucoup de temps et d’énergie. J’y trouve néanmoins mon intérêt, bien sûr, et ce serait mentir de dire l'inverse. Probablement que, de façon indirecte, cela me valorise en tant qu'être humain.
Quel est ton rĂŞve le plus fou ?
Devenir directrice de prison !
Quels défis souhaites-tu relever prochainement ?
J'ai plein de projets, au premier rang desquels la naissance de mon enfant prĂ©vue en novembre 2021 ! C'est un point qui mĂ©rite d’être soulignĂ© parce que je suis aussi une femme, une future mère et cela fait partie des joies de la vie.Â
J'ai bien entendu d’autres projets en tête, auxquels je me consacrerai en temps utile. Dans l’immédiat, je dois gérer une situation familiale complexe qui constitue à elle seule un challenge : mon père a été arrêté puis incarcéré dans son pays d'origine pour des motifs politiques. Il encourt la prison à perpétuité dans un pays où les droits de la défense et les droits de l’Homme sont violés. Je me charge de coordonner toute cette affaire depuis la France, ce qui est un réel défi sur les plans organisationnel, affectif et financier. Pour le soutenir
Un conseil Ă partager ?
Je me souviens de la jeune femme anxieuse que j’étais lors de mes étud
es, lors de mes premiers choix en terme d’orientation, de stage, etc.. Je m’infligeais une réelle pression et j'avais toujours peur de prendre de mauvaises décisions.
Aujourd’hui, je sais que les premiers choix qu’on effectue en post-bac ne sont pas dĂ©terminants. D’autres le sont plus tard dans la vie, mais pas ceux-lĂ .Â
J’aimerais donc dire aux jeunes étudiants qu’ils ont le droit à l’erreur (personne n’est infaillible) et qu’ils ne doivent pas être trop durs et intransigeants avec eux-mêmes. Il faut savoir faire preuve de bienveillance, avec soi-même avant tout.
Qu’ils se consacrent Ă ce qui leur plaĂ®t avant tout, mĂŞme si les voies semblent bouchĂ©es. Si je m’étais Ă©coutĂ©e Ă l’époque, j’aurais choisi psycho : je serais peut-ĂŞtre psychologue en prison Ă l’heure actuelle…! Â
https://www.linkedin.com/in/elise-maillot-8bb82624/
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